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être Touareg

Association TANTUT

          informations lues sur Temoust:

                 Etre touareg au Mali 

   "Les Touareg possèdent une même culture, appartiennent à une même civilisation. Dans chaque Etat, ils occupent la zone la plus aride, la moins peuplée, souvent la plus diflticile d’accès : ils se trouvent presque toujours éloignés de la capitale politique. .Les caractères communs de cette civilisation ont trop souvent donné lieu à des stéréotypes qui ont été un écran et un obstacle à sa connaissance. Ces images d’Epinal sont aujourd‘hui reprises par les médias et les sociétés de tourisme : "hommes bleus ", et selon les circonstances, " chevaliers du désert ", "courageux et loyaux", ou " pilleurs de caravanes ", "lâches et fourbes", enfin " hommes de nulle part ", c’est-à-dire hommes des grands espaces toujours en mouvement, avec la confusion encore souvent affichée entre errance et nomadisme (1).

    Le dénominateur commun majeur est la langue et ceci est si bien perçu au Mali qu’on ne parle guère de Touareg, terme français peu connu de ceux qu’il désigne, mais de kel tamasheq.

     Les Touareg se rattachent à la grande communauté berbère qui se compose en majorité de paysans réfugiés dans les montagnes (Atlas, Kabylie, Aurès, Nefouza, etc.), dans les oasis (Mzab, Gourara, oued Righ, etc.) et aussi de nomades montagnards (Kit Atta) ; une communauté linguistique qui, d’ouest en est, va des îles Canaries à 1’Egypte (Siouah) et, du nord au sud, de la Méditerranée au sud du fleuve Niger. Les Touareg dans cet ensemble constituent les nomades des grands espaces arides : ils possèdent une forte originalité et leurs caractères communs se retrouvent de Djanet à Tahoua. Ils sont les seuls berbérophones à posséder une écriture dont les caractères (tifinagh),anciens ou actuels, sont inscrits sur de nombreux rochers sahariens.

    On a beaucoup parlé de leur organisation politique dont le modèle en " confédérations ", basé sur une hiérarchie sociale rigide, est reproduit dans l’ensemble du domaine touareg avec quelques variantes, ici ou là, dans la part relative de chacune de ces catégories  : nobles (inzajeghen), tributaires (imghad), religieux (ineslemen), serfs ou anciens serfs (iklan ou Bella selon la terminologie songhay).

    Après la conquête, l’administration coloniale, l’indépendance, l’étude des structures politiques et sociales touarègues tient un peu de la reconstitution d’un édifice ruiné dont on ne peut reconnaître que les pans de certains murs : il vaut mieux renvoyer à d’innombrables études qui traitent de ce sujet.

    Que reste-t-il aujourd’hui de la société touarègue ? Comment est-on touareg ? Tels sont les problèmes majeurs d’une société en pleine mutation, affrontée dans chaque Etat à un pouvoir qu’elle conteste de plus en plus et à la recherche d’un contrôle plus poussé de l’administration et de la gestion de leur pays.

   La société touarègue existe encore avec ses hiérarchies, ses chefferies, ses rigidités : les catégories déjà citées, mais ‘aussi les Dahusahak (2) (comment les classer ?), les forgerons et les Bella d’origine servile, possèdent des caractéristiques, des comportements propres. Dans cette société, chacun doit rester à sa place et se conformer au rôle qui lui est dévolu sous peine d’exclusion.

    Le retour de jeunes partis à l’étranger, devenant souvent chômeurs (ishumar en touareg), ce qui signifie bien qu’ils ne trouvent pas de place à leur mesure, car ils ne reprennent pas les tâches pastorales antérieures, donne une nouvelle dimension à cette société ; cela pose le problème de la réinsertion d‘hommes disponibles ayant acquis une vision du monde différente et souvent de nouvelles qualifications.

      Particularismes et diversités

    Les Touareg maliens ne peuvent être coulés dans un même moule. Par leur histoire, par leurs migrations anciennes, par leurs implantations actuelles, ils se distinguent les uns des autres.

     Leur économie, qu’elle soit exclusivement pastorale, pastorale et caravanière,ou encore agro-pastorale, varie en fonction de la région où ils vivent. Appartenant à une même civilisation, les Touareg occupent au Mali un espace qui va de la zone saharienne à la zone soudanienne, ils forment un pont qui relie l’Algérie et le Burkina Faso. Le " pays touareg " malien, à l’extrême nord-est, est si éloigné de la capitale, que Niamey est son débouché naturel, en cas de crise, beaucoup plus que Bamako.

    L‘Adrar des Iforas jouxte l’Algérie et les Kel Adar sont en relations constantes avec leurs parents du Nord. Éleveurs et caravaniers, ils participent au commerce du sel de Taoudeni et se rendent sur les marchés algériens. L’Adrar des Iforas constitue un monde isolé, à part, éloigné de la capitale ; son chef-lieu, Kidal, a été choisi à l’époque coloniale comme siège d’un bagne car l’éloignement,le désert rendent quasiment impossible toute évasion. Il constitue un bastion avancé dans le désert dont sont issus de nombreux groupes touaregs. C’est aussi un haut-lieu de sites anciens, impressionnants par leur nombre et leur importance : ces cités médiévales aux constructions ruinées - habitations, mosquées, cimetières - s’étendent le long de vallées comme Es-Suk (Tademakka), la plus célèbre d’entre elles. Au nord-est du pays, les Iwellemmeden kel Ataram, " ceux de l’ouest ", occupent un vaste territoire qui s’étend jusqu’au fleuve, dont le chef-lieu est Ménaka et qui, à l’est, possède une frontière commune avec le Niger où vivent les Iwellemmeden kel Denneg, "ceux de l’est ", leurs parents, qui ont fait sécession au XVIII° siècle. Éleveurs au nord, agro-pasteurs au sud, ils se déplacent vers les plaines septentrionales au cours de la saison des pluies pour gagner les terres salées recherchées pour leurs troupeaux.

     Dans la région de Goundam, de Tombouctou, les Touareg kel Antesar et Tenguereguif vivent aux abords du fleuve et possèdent des droits fonciers sur les terres les plus riches, en complémentarité et parfois en concurrence avec les paysans songhay, avec les Peuls et Rimai%e, avec les pêcheurs Bozo. Ils ont le bénéfice de rizières et des .pâturages irrigués (bourgoutières). Dans le Gourma, les Touareg pratiquent un élevage extensif et la cueillette de nombreux produits végétaux, en particulier le fonio sauvage, c’est-à-dire de nombreuses graminées spontanées dont le ramassage des graines, sur pied ou au sol, compense le manque de mil ou de sorgho qu’ils cultivent peu. Plus au sud encore, aux frontières du Burkina Faso, l’élevage extensif s’accompagne de cultures pluviales, mil essentiellement.

    Les Touareg possèdent donc une économie qui varie en fonction de leurs traditions propres et du cadre géographique de leur implantation. Cette diversification qui a parfois pris la forme de mutation, s’est accentuée à la suite de sécheresses qui se sont succédé depuis 1968 : certains ont migré vers les terres plus arrosées du Sud, vers les vallées ou vers les villes pour ceux qui avaient tout perdu.

            D’une révolte à l’autre

    Les Touareg maliens ont été parmi les premiers à lever l’étendard de la révolte contre l’administration coloniale et à s’opposer par les armes aux militaires français. C’est Firhoun, amenokal (chef suprême) des Iwellemmeden kel Ataram, qui incarne cet esprit dès 1914, puis qui cache son jeu jusqu’à son évasion de Gao en février 1916 où il prend la tête de la rébellion. L’affrontement décisif a lieu à Aderambukan en mai 1916 : le campement de Firhoun est attaqué par un détachement puissamment armé et Firhoun ne peut que s’échapper. La révolte est brisée, mais Firhoun incarne le noble guerrier qui a refusé toute compromission.

     Le pays touareg du Mali a connu, il y a une quarantaine d‘années, des insoumis qui, à titre individuel, se rebellaient contre l’ordre établi de l’administration coloniale : on a fait le récit de l’aventure de Kel Adar qui prenaient le maquis et tenaient en échec l’autorité en mettant à profit leur connaissance d‘un pays immense et accidenté.

    Après l’indépendance, l’administration et l’armée maliennes occupent les chefs-lieux, les cercles et les postes laissés par les administrateurs et les militaires français. Isolés et loin de tout contrôle, les nouveaux chefs de poste font parfois subir de nombreuses vexations aux Touareg qu’ils administrent, et abusent souvent de leur pouvoir. Peu à peu, (( cette présence militam-administrative est ressentie comme une occupation )) (3).

    Les Touareg, à partir de janvier 1963 effectuent des coups de main dans le nord de l’Adrar, à Kidal et dans de nombreux points et s’emparent d’armes et de chameaux. Une guerre de mouvement s’installe et les accrochages se succèdent. L‘armée, avec des équipements modernes et en particulier des chars, l’emporte sur ces guerriers qui mènent une guerre à l’ancienne. Les Kel Adar qui ne s’étaient pas opposés à la pénétration coloniale, contrairement à leurs voisins Kel Ataram de Ménaka qui avaient alors (1916) perdu la majorité de leurs guerriers, ,se dressent cinquante ans plus tard contre ces représentants de 1’Etat venus du Sud, qui se comportent comme en pays conquis. En septembre 1964, ces guerriers déposent les armes : la révolte a duré plus d’un an et demi. Les Kel Adar se retrouvent appauvris, une grande partie de leurs troupeaux ayant été détruits par l’armée et vaincus. Ils ont subi une répression impitoyable par une armée mal à l’aise dans ce pays lointain. Les hostilités se sont arrêtées, mais le fossé s’est creusé : la région de Kidal reste une zone dangereuse, interdite aux touristes. Les fonctionnaires maliens qui sont nommés dans la région se considèrent comme punis, en exil.

     De 1964 à 1969, les pluies sont abondantes et la zone touarègue bénéficie de pâturages et de récoltes satisfaisantes. Les Kel Adar commencent à reconstituer leurs troupeaux, mais à partir de 1969 une sécheresse s’insalle sur toute la zone sahélienne et les années 1972 et 1973 connaissent des déficits pluviométriques records. La chute brutale des ressources fourragères provoque la mort de beaucoup d‘animaux et oblige beaucoup de Touareg à quitter leur pays : c’est un exode dans toutes les directions.

    Vers le sud, ils convergent vers Niamey où ils sont regroupés dans le quartier du " Lazaret " ; certains poursuivent leur route jusqu’à Kano. Vers l’est, d’autres gagnent Agadez. Vers le nord, ils se dirigent vers Tamanrasset et Reggan. Les réfùgiés de Niamey sont rapatriés en 1974 par les camions de l’armée malienne. Par contre, ceux qui ont fui en Algérie s’installent à Tamanrasset, à Reggan, à Adrar : Tamanrasset devient un relais vers la Libye qui attire de plus en plus les jeunes du Mali et du Niger, grâce à sa richesse née du pétrole (4)...."

(1) E. Bernus, " Les Touareg ", Ethnies,

(2) Les Dahusahak sont de riches éleveurs de la région de Ménaka, majoritaires chez les Iwellemmeden kel Ataram, qui parlent une langue songhay. (6-7), automne 1987

(3) Ag Bay et R. Bellil, "Une société touarègue en crise , Awal, Cahiers d’érudes berbères, 2, 1986, : les Kel Adar du Mali ", pp. 49-95.

(4) Cf. H. Claudot-Hawad (sous la. resp. de), " Touaregs. Exil et résistance", Revue du monde musulman et de la Méditerranée, Aix-en-Provence, 57, 1990 A. Bourgeot," Identité touarègue : de l’aristocratie à la révolution ", Etudes rurales, no 120, oct.-déc. 1990, pp. 129-162.

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